Ecriture d’invention : Chèr M. Dalembert, C’est avec beaucoup de haine et de colère que je vous écris cette lettre, vous qui êtes mon seul bon confident, à qui j’ai une entière confiance. En effet, une scène cruelle m’est arrivée jeudi soir à la Comédie Italienne, en voilà le récit : Je me dirigeais avec la foule vers le petit salon déjà rempli de monde puis j’aperçue une place vide au loin sur laquelle je m’empressais d’aller, avant qu’une autre personne ne la prenne. Mais je compris rapidement que quelque chose d’insolite se produisait ; tous les regards des femmes étaient tournés vers moi autour de la banquette. On entendit des rires narquois et des murmures s’accentuer lorsque soudainement, elles quittèrent la banquette et me laissèrent seule. Cette scène n’échappait à personne dans le salon. Tous les hommes applaudissaient et ne manquaient pas de me huer. Je me trouvais ainsi dans une situation infâme. Mais ce n’est pas tout, le clou du spectacle fut M. Prévan, ce diable... C’est lui qui était l’auteur de tous ces faits dans le but de me déshonorer, j’en suis certaine. Aussitôt qu’il entrât d’un pas orgueilleux dans le cercle qui s’était déjà formée autour de moi, le public l’acclamât. Bon Dieu, comment ose-t-il m’humilier à ce point devant une foule pareille ?! Je ne pu m’abstenir de lâcher des larmes mêlées à de la fureur et de la haine profonde. De ce fait-là, je pris la fuite tête baissée, mais les huées ne cessèrent de me suivre jusqu’au moment où quelqu’un vint annoncer ma voiture.
Me voilà démunie de ma réputation de vertu. Désormais, tout le monde aura idée de moi d’une libertine. Je vous en conjure, compatissez ma mésaventure, dîtes-moi que dois-je faire ? Une vérole s’est ajoutée en plus de tout cela depuis hier soir. Très cher, je suis perdue… Aidez-moi.
Paris, le 18 décembre