Sujet e.a.f
Textes :
Texte A : Molière, L'Avare, 1668.
Texte B : Alfred de Musset, Il ne faut jurer de rien, 1836.
Texte C : Henry de Montherlant, La Reine morte, 1942.
Texte D :
Texte A : Molière, L'Avare, 1668. Acte I, scène 4.
[Clêante et Élise, les enfants d'Harpagon, veulent entretenir leur père de leur projet respectif de mariage.] HARPAGON, CLEANTE, ELISE
CLEANTE – Mon Dieu ! mon père, vous n’avez pas lieu de vous plaindre et l’on sait que vous avez assez de bien.
HARPAGON – Comment, j’ai assez de bien ! Ceux qui le disent en ont menti. Il n’y a rien de plus faux ; et ce sont des coquins qui font courir tous ces bruits-là.
ELISE – Ne vous mettez point en colère.
HARPAGON – Cela est étrange que mes propres enfants me trahissent et deviennent mes ennemis.
CLEANTE – Est-ce être votre ennemi que de dire que vous avez du bien ?
HARPAGON – Oui. De pareils discours, et les dépenses que vous faites, seront cause qu’un de ces jours on me viendra chez moi couper la gorge, dans la pensée que je suis tout cousu de pistoles1.
CLEANTE – Quelle grande dépense est-ce que je fais ?
HARPAGON – Quelle ? Est-il rien de plus scandaleux que ce somptueux équipage2 que vous promenez par la ville ? Je querellais hier votre sœur ; mais c’est encore pis. Voilà qui crie vengeance au ciel ; et, à vous prendre depuis les pieds jusqu’à la tête, il y aurait là de quoi faire une bonne constitution3. Je vous l’ai dit vingt fois, mon fils, toutes vos manières me déplaisent fort ; vous donnez furieusement dans le marquis ; et, pour aller ainsi vêtu, il faut bien que vous me dérobiez.
CLEANTE – Hé ! comment vous dérober ?
HARPAGON – Que sais-je ? Où pouvez-vous donc prendre de quoi entretenir l’état que vous portez ?
CLEANTE – Moi, mon père ? C’est que je joue ; et, comme je suis fort heureux, je mets sur moi tout l’argent que je