Sur le roman d'apprentissage
Le contexte idéologique.
Le roman d'apprentissage apparaît en Allemagne (Bildungsroman) dans la seconde moitié du dix-huitième siècle, au moment où se développe une nouvelle conception de l'homme dans le sillage des Lumières. L'homme cesse en effet d'être défini comme un être interchangeable défini par sa position sociale dans une société organisée en ordres, par son métier et sa famille. Il se découvre une individualité, une personnalité pourvue de qualités intellectuelles et affectives originales, dotée de désirs, d'aspirations qui entrent en conflit avec les contraintes du monde social. Lesquelles ne permettent pas à son individualité de s'épanouir (Werther, le héros de Goethe, en fera les frais). Avec Rousseau et Kant l'homme apparait comme une réalité en devenir, produit d'une éducation, ensemble de virtualités, de dispositions qui s'actualisent dans le temps. Son humanité n'est pas donnée, elle est un processus. C'est cette formation de soi, intellectuelle, sentimentale et sociale que décrit le roman d'apprentissage.
Le contexte social.
Cette attention nouvelle portée à l'individu coïncide avec la montée de la bourgeoisie européenne dont l'essor économique se heurte aux cadres contraignants d'une société organisée en ordres. Aux privilèges accordés à la naissance, elle oppose l'égalité juridique et fonde la hiérarchie sociale sur les mérites qui découlent des compétences. Le roman d'apprentissage va décrire cet élan d'une jeunesse qui s'arrache à la province, monte à l'assaut de Paris, pleine d'ambitions, rêvant de fortune, de pouvoir et de gloire.
Le contexte politique.
Le roman d'apprentissage va se développer en France dans des conditions particulières, marquées par le bouleversement de la Révolution et de l'Empire. Celui-ci a ouvert à la jeunesse les perspectives d'une promotion sociale dont le destin de Napoléon est le symbole. Élevée dans les lycées impériaux, toute une jeunesse rêve de se faire une place au