Surdité.

Je m'appelle le silence des nuits obscures d’Alger. J'avance vers l’oubli, vers le tunnel de l’ivresse. Autour de moi, s'agitent des ombres malsaines, elles rodent avant que le soleil ne vienne interrompre leur douce lamentation. Je marche sous les lumières orangées, bercées par ce ronflement lointain de la mer, que je devine. De temps à autre, des voitures passent à toute allure, elles me dérangent moi, le silence obscur d’Alger. Ces jeunes, insouciants de l'avenir que leur réserve la vie, ne rentreront pas ce soir.

Je poursuis mon chemin, je profite du vent qui m’enlace. Je m'arrête au bas de cet immeuble, je regarde le quatrième étage. Ce balcon, autrefois, ma femme y étendait le linge de nos enfants. Un sentiment étreint mon corps tout entier. Cela me ramène étrangement au temps où je ressentais des émotions. Sous le bâtiment, une boutique de vêtements ; à l’angle, un tuyau ramenant l'eau des climatiseurs vers un bidon de peinture. Je bois. Le silence à soif de vérité.
Je marche, encore et toujours et toujours dans l'Alger de ma jeunesse. Je m'enfonce dans le gouffre de mes vieux jours. La tête haute, la bouche fermée, je préserve la fierté que m'a inculquée mon père, mort pour avoir prêché la liberté. Voyez- vous, je n'ai pas d’amertume, l'espoir me l'a volée. J'arrive enfin à ma destination nocturne, je retrouve mon carton déchiré par les jeunes du quartier. Peu importe, il n'en sera que moins confortable. J'étends mon corps tout entier, sous le ciel découvert et étoilé. J'aime le ciel. Il fut un temps j'avais d'autres joies : la musique. J'étais membre du conservatoire d’Alger. Mais aujourd’hui, aucune note, aucun son n'arrivent à mes oreilles.

Je ferme les yeux, j'attends le sommeil, mon seul ami fidèle quand je ne le repousse pas.

Le jour se lève, les ombres malsaines s'éclipsent quelque part. Les familles des aventuriers du soir pleurent leurs enfants. Le brouhaha quotidien envahit les