Synthese
Filigrane, volume 14, numéro 1, printemps 2005
Winnicott et la créativité
Frédérick Aubourg
Portrait du psychanalyste en artiste ompte-tenu de l'importance que revêt la créativité dans l’œuvre de Winnicott, il est tout à fait exceptionnel dans la littérature psychanalytique qu'à aucun moment il ne développe son point de vue à partir d'exemples issus de la création artistique. Pour Winnicott, parler d'un tableau, d'une maison, d'une coiffure, d'une symphonie ou d'un plat cuisiné tout cela est identique puisqu'il y est question de créativité. Ainsi, critique-t-il l'approche trop élitiste de Freud 1 comme ce fût le cas avec le Léonard de Vinci et n'hésite pas à prendre, avec une 2 certaine ironie, l'exemple de la cuisson des saucisses pour parler de créativité. Cette position provocatrice sera d'ailleurs relevée par J.B. Pontalis :
C
« Dire comme Winnicott, même avec humour, qu'on peut être aussi créatif en faisant cuire des œufs sur le plat que Schumann composant une sonate, vous ne trouvez pas ça un peu abusif? Si j'exprime une émotion, je ne crée rien pour autant. Je crains que Winnicott ne soit là un peu dupe de son amour pour l'enfant (et la mère). Cela dit – et là encore je récuse le concept mais je reconnais la chose –, en parlant de créativité Winnicott nous rappelle que le monde de nos perceptions est lettre morte 3 tant qu'il n'est pas animé par un regard. » Ce qui intéresse Winnicott c'est la créativité dans son aspect universel, laquelle pourrait être assimilée, comme le suggère J. Abram, à la pulsion de vie chez 4 Freud. Il lui arrivera de reprocher aux psychanalystes qui se sont penchés sur cette question, Freud le premier, d'avoir confondu créativité et activité artistique au point de négliger la première et surtout de se priver d'interroger le thème principal qui est 5 « la pulsion créative elle-même » . Bien qu'il reconnaisse qu'il n'est pas dans nos moyens d'expliquer cette pulsion, il reste que l'on peut établir un lien entre la