Tahar Ben Jelloun Le premier amour est toujours le dernier 1995
Tahar Ben Jelloun
Le premier amour est toujours le dernier 1 L’amour fou
Cette histoire est une fiction. Je l’ai imaginée un jour que je me trouvais sur la terrasse du Mirage, au dessus des grottes d’Hercule à Tanger. Mon ami A. m’avait prêté un bungalow pour prendre un peu de repos et éventuellement écrire. Face à l’immense étendue d’une plage où viennent s’échouer des vagues de l’océan Atlantique, dans ce désert de sable et d’écume un palais a été construit en quelques mois. Je ne sais pas à qui il appartient. Les gens disent que c’est la cabine de bain d’un prince lointain amoureux de la mer et du silence de cette région. D’autres l’attribuent à un armateur grec qui, ne supportant plus la mer Méditerranée, a choisi cet endroit pour finir ses jours et surtout pour échapper à la justice de son pays. Ici la mer est bleue. La mer est verte. Sa chevelure est blanche. En face, la cabine de bain du prince ou de l’armateur a pris les teintes du sable. Ce n’est pas hideux. C’est incongru, comme cette histoire que j’ai inventée un soir en écoutant une chanteuse à la radio.
La rumeur l’a attribuée à une chanteuse ou à une danseuse qui a vraiment existé. Je n’ai pas cherché à vérifier. Les gens adorent raconter et se raconter des histoires. Cellelà en est une parmi d’autres.
Que personne n’aille s’identifier à l’un des personnages. Toute fiction est un vol de la réalité et il lui arrive d’y retourner et de s’y confondre. Un journal du ProcheOrient a parlé dernièrement d’une actrice égyptienne qui aurait disparu. Un autre magazine a suggéré que ladite comédienne aurait tout inventé pour qu’on parle d’elle.
Cette histoire est arrivée il y a quelques années, à l’époque où le pays ouvrait généreusement ses portes à des visiteurs d’un