Tartuffe de molière
Un discours amoureux qui en soi n'a rien de ridicule... mais qui échoue.
En soi, le discours de Tartuffe est un "discours amoureux" classique : vocabulaire mélioratif et hyperbolique ("les plus rares merveilles", "des beautés", "parfaite créature" ; posture de suppliant que prend l'amoureux : omniprésence du "je", mais un "je" qui se dévalorise : "mon infirmité", "mon néant"... La dame, elle, est "souveraine", a entre ses mains le sort de l'amant (v. 960, marqué par un parallélisme et une antithèse ; le "malheur" de l'amant dépend du caprice de l'aimée : "s'il vous plaît") récit des angoisses et des luttes vaines de l'amant pour résister à l'attraction de la dame (946-48 et 976-978)
Enfin, invitation à l'amour partagé.
Un discours "classique" que l'on peut comparer à celui d'Aragon ou d'Eluard : les hyperboles de Tartuffe ne sont pas plus ridicules que celle de ces deux poètes : "un coeur se laisse prendre" / "je suis pris au filet des étoiles filantes" (Aragon), ou encore "Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu / c'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu" (Eluard)
Mais un discours qui échoue :
Se souvenir des conditions de représentation : Tartuffe est un gros homme, antipathique, et qui régit tout dans la maison ; un tel discours ne lui convient donc guère !
D'autre part, le lyrisme de Tartuffe se heurte à l'indifférence ironique d'Elmire : "la déclaration est tout à fait galante" (v. 961) : avec le vers précédent, on frôlait la tragédie ; Elmire ramène Tartuffe à une pure galanterie ("galante" = légère) ; une ironie qui fait suite à ses deux premières répliques, tout aussi ironiques : Elmire sait bien que Tartuffe aime beaucoup "les choses de la terre", et qu'il est sujet à des "désirs" fort peu célestes ! (Dorine, à l'acte précédent, a décrit son solide appétit... et Elmire est trop fine mouche pour ne pas avoir aperçu les "regards" et les "soupirs" éloquents du faux dévot (v. 979-980) !