tartuffe portrait
Tartuffe : « Gros et gras, le teint frais et la bouche vermeille » (v. 234).la sensualité de Tartuffe se révèle aussi bien dans son attitude à l'égard d'Elmire, au début de la scène III de l'acte III, que dans sa gourmandise. Est-il conscient après coup des erreurs de tactique auxquelles l'entraîne ainsi son tempérament? Peut-être; mais cet ambitieux rusé et tenace n'abandonne pas la partie : il se sait intelligent, se croit plus fort que tout le monde, et la facilité avec laquelle il manœuvre Orgon n'a fait qu'accroître son assurance. Celui-ci est l'éternelle dupe de ses simagrées. Mais lorsque Tartuffe exprime à Elmire en termes mystiques un amour tout humain (acte III, scène III), lorsqu'il recourt à la casuistique (acte IV, scène V) pour venir à bout des derniers scrupules d'Elmire, on peut se demander s'il se contente de jouer, non sans dilettantisme, son rôle de séducteur tout en conservant son masque de dévot; on a l'impression que, poussé par un désir irrésistible vers Elmire, il reste réellement prisonnier du langage et de l'attitude auxquels il a soumis son personnage; son masque lui est-il devenu si familier qu'il finit lui-même par en être dupe? Une telle interprétation dépasse peut-être l'intention de Molière; du moins prouve-t-elle la richesse et la complexité d'un caractère auquel chaque époque trouve son actualité. Escroc de profession, habile à exploiter la piété de ses dupes pour se ménager une existence confortable, Tartuffe dépasse aussi par sa signification la réalité sociale que lui avait donnée Molière; on peut y voir un raté qui prend sa revanche sur une société où il n'a pas su se faire une place. Il est plus généralement le modèle de tous ceux qui dissimulent, sous des allures moralisatrices, la gloutonnerie cynique de leurs appétits.
Orgon a un passe que Molière esquisse: il fut un «homme sage»; «il montra du courage ». S'il conserva la cassette d'Argas, c'est qu’il estimait probablement les