Terminale
LE MONDE | 26.06.10 | 14h06 • Mis à jour le 26.06.10 | 14h06
ors-la-loi, le film de Rachid Bouchareb, dont on ne peut évaluer les qualités cinématographiques et historiques avant de l'avoir visionné, représentera, du moins faut-il l'espérer, un tournant majeur dans l'élaboration de notre récit national. Le 8 mai 1945, les Français célèbrent à l'unisson la capitulation de l'Allemagne nazie, et, par là, en un mouvement d'occultation des luttes fratricides d'hier, la refondation de la nation et de l'Etat souverain. Or, en ce 8 mai 1945, la France, réconciliée autour du mythe gaullo-communiste de son héroïque et collective résistance à l'occupant nazi, se livre, en Algérie, à une sanglante répression contre les populations musulmanes de Sétif et de Guelma.
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Certes, les massacres du 8-Mai répondent à l'assassinat de 103 Européens suite à la dispersion dans le sang d'une manifestation pacifique nationaliste dans les rues de Sétif. Les noms des victimes européennes figurent en légende des photos que la presse coloniale d'Algérie publie les jours suivants, cependant que les dizaines de milliers de "musulmans" exécutés en représailles par l'armée française sont enterrés par les leurs dans l'indifférence de la société coloniale, signe que les uns jouissent du respect qu'ils méritent ainsi que leurs familles endeuillées, tandis que, pour les autres, infrahumains réduits au rang de sujets de seconde zone, l'humiliation s'ajoute à la colère et au désespoir.
Il en résulte que ce massacre, dont il revient aux historiens d'établir un bilan (les spécialistes français et américains non suspects de parti pris l'estiment à plusieurs dizaines de milliers), radicalisera les militants du mouvement national algérien dans leur revendication d'indépendance. La classe politique française de l'époque n'en tire guère de leçon décisive, et seul le général Duval, qui commande alors les troupes de l'armée responsable du massacre du 8-Mai,