Test
Réfléchir au nucléaire, sans tabou ni sectarisme
LE MONDE | 16.03.11
Le doute n'est malheureusement plus permis : Fukushima est bel et bien une catastrophe nucléaire dont le nom s'inscrira désormais sur l'échelle de gravité - et dans l'histoire industrielle - à côté de celui de Tchernobyl. Il est sans doute prématuré d'enterrer l'atome civil, surtout dans un pays aussi "nucléarisé" que la France, mais ce secteur va de nouveau traverser une crise aiguë où sa rigueur et sa transparence seront soumises à rude épreuve. Questionnées à juste titre.
Le petit monde du nucléaire civil est, en effet, affligé de deux maux : une forme d'arrogance technicienne et un piètre souci de transparence à l'égard de l'opinion publique. Or ce qui est aujourd'hui en cause n'est rien de moins que le dogme de l'infaillibilité nucléaire. Les ingénieurs concèdent volontiers que le "risque zéro" n'existe pas. Mais leurs savants calculs de probabilité aboutissent toujours à la conclusion que le risque est infinitésimal et que leur industrie est "la plus sûre" du monde. Un ingénieur d'EDF ou d'Areva peut-il seulement imaginer cette scène, irréelle pour lui : aux Etats-Unis, quand le Pentagone établit des scénarios catastrophes, il ne se contente pas de consulter des experts patentés, mais invite aussi des écrivains et des scénaristes autour de la table - pour penser l'impensable...
Cette arrogance, doublée d'une forte endogamie au sein d'un monde de l'atome dont on ne sort guère, a donné naissance au "nucléocrate", un expert peu disposé à partager son savoir hautement scientifique et peu accessible au commun des mortels. Elle a nourri une culture du secret qui a pris, au Japon, d'inquiétantes proportions. Durant vingt ans, Tepco, la puissante compagnie exploitant notamment la centrale de Fukushima, a sciemment caché, dans les rapports transmis à l'autorité de sûreté nucléaire nippone, de graves défaillances sur certains réacteurs.
La situation est-elle