Texte 10 Lorenzaccio
Acte III, scène 3, première tirade de Lorenzo
Alfred de Musset
De "LORENZO — Suis-je un Satan ?" à "...le jour des noces."
Introduction
Cette tirade, extraite de l'Acte III scène 3 de Lorenzaccio d’Alfred de Musset, a une fonction d'explication et une fonction comique. Lorenzo retrace sa vie, exprime ses sentiments et pousse Philippe Strozzi à agir.
Il se voit de garçon studieux à débauché, du projet d’assassiner Clément VII à un plus humble tyran : Alexandre.
Lorenzo raconte sa progressive déchéance : il a découvert qu'il ne pourrait sauver l'humanité des tyrans car, déçu, il pense que l'humanité entière est tyrannique.
Lecture
ACTE III, SCENE 3
Extrait
LORENZO — Suis-je un Satan ? lumière du Ciel ! je m’en souviens encore ; j’aurais pleuré avec la première fille que j’ai séduite, si elle ne s’était mise à rire. Quand j’ai commencé à jouer mon rôle de Brutus moderne, je marchais dans mes habits neufs de la grande confrérie du vice comme un enfant de dix ans dans l’armure d’un géant de la fable. je croyais que la corruption était un stigmate, et que les monstres seuls le portaient au front. j’avais commencé à dire tout haut que mes vingt années de vertu étaient un masque étouffant; à Philippe ! j’entrai alors dans la vie, et je vis qu’à mon approche tout le monde en faisait autant que moi ; tous les masques tombaient devant mon regard ; l’humanité souleva sa robe et me montra, comme à un adepte digne d’elle, sa monstrueuse nudité. j’ai vu les hommes tels qu’ils sont, et je me suis dit : Pour qui est-ce donc que je travaille ? Lorsque je parcourais les rues de Florence, avec mon fantôme à mes côtés, je regardais autour de moi, je cherchais les visages qui me donnaient du cœur, et me demandais : Quand j’aurai fait mon coup, celui-là en profitera-t-il ? j’ai vu les républicains dans leurs cabinets ; je suis entré dans les boutiques, j’ai écouté et j’ai guetté, j’ai recueilli les discours des gens du peuple ; j’ai vu l’effet que