Texte argumentatif par rapport a l'amour et la raison
– «Le vaisseau est tout prêt; que tardons-nous à quitter cette île, où la vertu ne peut habiter?»
En disant ces paroles, Mentor le prit par la main, et l'entraînait vers le rivage: Télémaque suivait à peine, regardant toujours derrière lui. Il considérait Eucharis, qui s'éloignait de lui. Ne pouvant voir son visage, il regardait ses beaux cheveux noués, ses habits flottants, et sa noble démarche. Il aurait voulu pouvoir baiser les traces de ses pas. Lors même qu'il la perdit de vue, il prêtait encore l'oreille, s'imaginant entendre sa voix. Quoique absente, il la voyait; elle était peinte et comme vivante devant ses yeux; il croyait même parler à elle, ne sachant plus où il était et ne pouvant écouter Mentor.
Enfin, revenant à lui comme d'un profond sommeil, il dit à Mentor: «Je suis résolu de vous suivre, mais je n'ai pas encore dit adieu à Eucharis. J'aimerais mieux mourir que de l'abandonner ainsi avec ingratitude. Attendez que je la revoie encore une dernière fois pour lui faire un éternel adieu. Au moins souffrez1 que je lui dise: «Ô nymphe, les dieux cruels, les dieux jaloux de mon bonheur me contraignent de partir; mais ils m'empêcheront plutôt de vivre, que de me souvenir à jamais de vous». «Ô mon père2! laissez-moi cette dernière consolation, qui est si juste, ou arrachez-moi la vie dans ce moment. Non, je ne veux ni demeurer dans cette île, ni m'abandonner à l'amour. L'amour n'est point dans mon cœur; je ne sens que de l'amitié et de la reconnaissance pour Eucharis. Il me suffit de le lui dire encore une fois, et je pars avec vous sans retardement.»
– «Que j'ai pitié de vous! répondait Mentor: votre passion est si