Texte integrale de saint lambert
6928 mots
28 pages
Ziméo par le marquis de Saint-Lambert ~~~~ZIMÉO PAR GEORGE FILMER, né primitif. LES affaires de mon commerce m'avoient conduit à la Jamaïque ; la température de ce climat brûlant & humide avoir altéré ma santé, & je m’étais retiré dans une maison située au penchant des montagnes, vers le centre de l'isle ; l'air y était plus frais & le terrain plus sec qu'aux environs de la ville ; plusieurs ruisseaux serpentaient autour de la montagne qui était revêtue de la plus belle verdure ; ces ruisseaux allaient se rendre à la mer, après avoir parcouru des prairies émaillées de fleurs & des plaines immenses couvertes d'orangers, de cannes à sucre, de cassiers, & d'une multitude d'habitations. La jolie maison que j’occupais appartenait à mon ami Paul Wilmouth de Philadelphie ; il était, comme moi, né dans l’Église primitive : nous avions à-peu-près la même manière de penser ; sa famille composée d'une femme vertueuse & de trois jeunes enfants, ajoutait encore au plaisir que j’avais de vivre avec lui. Lorsque mes forces me permirent quelque exercice, je parcourais les campagnes, où je voyais une nature nouvelle & des beautés qu'on ignore en Angleterre & en Pennsylvanie ; j’allais visiter les habitations, j’étais charmé de leur opulence ; les hôtes m'en faisaient les honneurs avec empressement ; mais je remarquais je ne sais quoi de dur & de féroce dans leur physionomie & dans leurs discours ; leur politesse n’avait rien de la bonté ; je les voyais entourés d'esclaves qu'ils traitaient avec barbarie. Je m’informais de la manière dont ces esclaves étaient nourris, du travail qui leur était imposé, & je frémissais des excès de cruauté que l'avarice peut inspirer aux hommes. Je revenais chez mon ami, l’âme abattue de tristesse, mais j'y reprenais bientôt la joie ; là sur les visages noirs, sur les visages blancs, je voyais le calme & la sérénité. Wilmouth n’exigeait de ses esclaves qu'un travail modéré ; ils travaillaient pour leur