Texte oral de francais : amphitryon, acte i, scene i
155 Qui va là? Heu? Ma peur, à chaque pas s'accroît.
Messieurs, ami de tout le monde.
Ah! Quelle audace sans seconde,
De marcher à l'heure qu'il est!
Que mon maître couvert de gloire,
160 Me joue ici d'un vilain tour!
Quoi! si pour son prochain il avait quelque amour,
M'aurait-il fait partir par une nuit si noire?
Et pour me renvoyer annoncer son retour,
Et le détail de sa victoire,
165 Ne pouvait-il pas bien attendre qu'il fût jour?
Sosie, à quelle servitude
Tes jours sont-ils assujettis!
Notre sort est beaucoup plus rude
Chez les grands, que chez les petits.
170 Ils veulent que pour eux tout soit dans la nature
Obligé de s'immoler.
Jour et nuit, grêle, vent, péril, chaleur, froidure,
Dès qu'ils parlent, il faut voler.
Vingt ans d'assidu service,
175 N'en obtiennent rien pour nous:
Le moindre petit caprice
Nous attire leur courroux.
Cependant notre âme insensée
S'acharne au vain honneur de demeurer près d'eux;
180 Et s'y veut contenter de la fausse pensée,
Qu'ont tous les autres gens que nous sommes heureux.
Vers la retraite en vain la raison nous appelle;
En vain notre dépit quelquefois y consent:
Leur vue a sur notre zèle
185 Un ascendant trop puissant;
Et la moindre faveur d'un coup d'oeil caressant,
Nous rengage de plus belle.
Mais enfin, dans l'obscurité,
Je vois notre maison, et ma frayeur s'évade.
190 Il me faudrait, pour l'ambassade,
Quelque discours prémédité.
Je dois aux yeux d'Alcmène un portrait militaire
Du grand combat qui met nos ennemis à bas:
Mais comment diantre le faire,
195 Si je ne m'y trouvai pas?
N'importe, parlons-en, et d'estoc, et de taille,
Comme oculaire témoin:
Combien de gens font-ils des récits de bataille,
Dont ils se sont tenus loin?
200 Pour jouer mon rôle sans peine,
Je le veux un peu repasser:
Voici la chambre, où j'entre en courrier que l'on mène,
Et cette lanterne est Alcmène,
À qui je me dois adresser.
(Il pose sa lanterne à terre, et lui adresse son compliment.)