Texte vauban
Parmy le même Peuple, notamment celuy de la Campagne, il y a un très-grand nombre de gens qui ne faisant profession d’aucun Métier en particulier, ne laissent pas d’en faire plusieurs très-nécessaires, et dont on ne sçauroit se passer. Tels sont ceux que nous appelions Manoeuvriers, dont la plupart n’ayant que leurs bras, ou fort peu de choses au-delà, travaillent à la journée, ou par entreprise, pour qui les veut employer. Ce sont eux qui font toutes les grosses besognes, comme de faucher, moissonner, battre à la Grange, couper les Bois, labourer la Terre et les Vignes, défricher, boucher les Héritages, faire ou relever les Fossez, porter de la terre dans les Vignes et ailleurs, servir les Maçons, et faire plusieurs autres Ouvrages qui sont tous rudes et pénibles. Ces gens peuvent bien trouver à s’employer de la sorte une partie de l’année, et il est vray que pendant la Fauchaison, la Moisson et les Vendanges, ils gagnent pour l’ordinaire d’assez bonnes journées ; mais il n’en est pas de même le reste de l’année. Et c’est encore ce qu’il faut examiner avec beaucoup de soin et de patience, afin de bien démêler les forts des foibles, et toujours avec cet esprit de justice et de charité si nécessaire en pareil cas, pour ne pas achever la ruine de tant de pauvres gens, qui en sont déjà si prés, que la moindre surcharge au-delà de ce qu’ils peuvent porter, achèverait de les accabler. Or la Dixme de ceux-cy ne sera pas plus difficile à régler que celle du Tisserand, pourvu qu’on s’en veuille bien donner la peine, en observant de ne les cottiser qu’au trentième, tant par les raisons déduites en parlant du Tisserand qui conviennent à ceux-cy, qu’à cause du chommage fréquent ausquels ces pauvres Manoeuvriers sont sujets, et des grandes peines qu’ils ont à supporter. Car on doit prendre garde sur toutes choses à ménager le menu Peuple, afin qu’il s’accroisse, et qu’il puisse trouver dans son travail de quoy soutenir sa vie, et se