L’athéisme vertueux
« Quoi qu'il en soit, me dira-t-on, ce serait une étrange chose qu'un athée qui vivrait vertueusement, et c’est un monstre qui surpasse les forces de la nature. Je réponds qu'il n'est pas plus étrange qu'un athée vive vertueusement, qu'il est étrange qu'un chrétien se porte à toutes sortes de crimes. Si nous voyons tous les jours cette dernière espèce de monstre, pourquoi croirons-nous que l'autre soit impossible ?
Mais pour dire quelque chose de plus fort, et qui ne laisse pas dans les termes d'une simple conjecture ce que j'ai avancé concernant les mœurs d'une société d'athées, je remarquerai que le peu de personnes qui ont fait profession ouverte d'athéisme parmi les anciens, un Diagoras, un Théodore, un Évémère, et quelques autres, n'ont pas vécu d'une manière qui ait fait crier contre le libertinage de leurs mœurs. Je ne vois pas qu'on les accuse de s'être distingués par les dérèglements de leur vie, aussi bien que par les égarements épouvantables de leur raison. […]
Mr. de Balzac nous apprend […] les derniers paroles d'un prince qui avait vécu et qui était mort athée, et lui rend ce témoignage « qu’il ne manquait pas des vertus morales, qu'il ne jurait pas, qu’il ne buvait que de la tisane et qu'il était extrêmement réglé en tout ce qui paraissait de lui au dehors ».
Le détestable Vanini, qui fut brûlé à Toulouse pour son athéisme en l'an 1619 avait toujours été assez réglé dans ses mœurs, et quiconque eût entrepris de lui faire un procès criminel sur tout autre chose que sur ses dogmes, aurait couru grand risque d'être convaincu de calomnie.
Sous le règne de Charles IX, en l'an 1573, on brûla dans Paris un homme qui avait théorisé l'athéisme secrètement. Il soutenait qu'il n'y avait point d'autre Dieu au monde que de conserver la pureté de son corps : on disait qu'il avait encore sa virginité. Il avait autant de chemises qu'il y a de jours en l'année, et il les envoyait laver en Flandres à