Theatre

3799 mots 16 pages
La Mort de Molière, scène du film d’Ariane Mnouchkine

Ce que j’aime, c’est que dans cette scène, au moment de son agonie, le personnage voit en trois ou quatre "visions" les quelques raisons profondes qui expliquent in fine ce qui l’aura fait agir et vivre. Il y assiste comme un spectateur étonné qu’un sens vienne expliquer sa vie, ainsi, à l’extrême fin. Alors ce sens révélé procède comme d’un don grâcieux : connaître par quoi et pour-quoi (tenants et aboutissants en effet se rejoignent à ce moment, comme les mains de Madeleine sur la balustrade, puisqu’il ne fut question – et toujours – que de cela au fond), ce don gracieux, dis-je, de connaître par quoi et pour-quoi on vécut. Ainsi se donnent l’apaisement et le bonheur qu’il y eût un sens, démêlé de l’écheveau des jours. Michel Deguy commente quelque part cette scène du film de Mnouchkine. Elle se déroule tout le temps de l’air du génie du froid de Purcell, et la montée impossible des marches le scande tragiquement dans un usage autre du temps par un usage autre de l’espace et du mouvement. Mais ce qui me touche considérablement, ce sont les visions qui viennent à Molière, précédées par le regard qu’il porte sur ses amis, envisagés de loin comme des étrangers incompréhensibles : lui ne comprenant pas leur peine, ne sachant plus qui ils sont, ou de moins en moins, ni que sa mort – aux lieux réels – se déroule pour d’autres dans ses effets extérieurs. Il quitte ce monde. "Plus vite, les chevaux !" : on sait que cela ne servira de rien. Que les chevaux aillent "plus vite" sera sans effet : les temps du réel et de l’agonisant se détachent et se désunissent à présent. Précipitation, hoquets, sueur, larmes, cheveux et habits en désordre, sang même – tout ce lanage puissant et impuissant des corps – appartiennent au temps du réel. L’agonisant, lui, c’est un autre temps qui le prend : l’extrême fin. Celui de ses hallucinations. Celui des souvenirs : un passé d’affections et d’amours revenus

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