Therese est-elle un monstre ?
__ << écoutez, Bernard, ce que je vous en dis, ce n'est pas pour vous persuader de mon innocence, bien loin de là ! >>
Elle mit une passion étrange à se charger pour avoir agi ainsi en somnambule, il fallait, à l'entendre, que depuis des mois elle eût accueilli dans son coeur, qu'elle eût nourri des pensées criminelles. D'ailleurs, le premier geste accompli, avec quelle fureur lucide elle avait poursuivi son dessein ! avec quelle ténacité !
__ << Je ne me sentais cruelle que lorsque ma main hésitait. je m'en voulais de prolonger vos souffrances. Il fallait aller jusqu'au bout, et vite ! je cédais à un affreux devoir. Oui, c'était comme un devoir. >>
Bernard l'interrompit : __ << En voilà des phrases ! Essayez donc de me dire, une bonne fois, ce que vous vouliez ! je vous en défie.
__ Ce que je voulais ? Sans doute serait-il plus aisé de dire ce que je ne voulais pas ; je ne voulais pas jouer un personnage, faire des gestes, prononcer des formules, renier enfin à chaque instant une Thérèse qui... Mais non, Bernard ; voyez, je ne cherche qu'à être véridique ; comment se fait-il que tout ce que je vous raconte là rende un son si faux ?
__ Parlez plus bas : le monsieur qui est devant nous s'est retourné. >>
Bernard ne souhaitait plus rien que d'en finir. Mais il connaissait cette maniaque elle s'en donnerait à coeur joie de couper les cheveux en quatre. Thérèse comprenait aussi que cet homme, une seconde rapproché, s'était de nouveau éloigné à l'infini. Elle insistait pourtant, essayait de son beau sourire, donnait à sa voix certaines inflexions basses et rauques qu'il avait aimées.