thèse
Gilles Anquetil
I.5. L’image génératrice de l’écriture : Il faut signaler que dans La Chouette Aveugle il existe une scène clé qui apparaît à maintes reprises dans le récit et dont le narrateur prétend ne pas pouvoir parvenir à déterminer l’origine. Cette image qui apparaît au cours du récit, sous des aspects différents, a une importance singulière. Apparue au début du livre, elle revient jusque dans les dernières pages, avec soit la même description, soit des modifications s’entrelaçant aux autres scènes avec une constance exceptionnelle et en de subtiles variations. On la voit partout, sur un écritoire, un vase antique ou même sur le motif d’un rideau, dans une vision ou dans un rêve.
L’image apparaît dans les premières pages du roman dans la description d’un motif que le narrateur/peintre dessine sur les cuirs d’écritoire. Le narrateur décrit ainsi ce qu’il reproduit toujours « machinalement » :
Un cyprès auprès duquel était accroupi un vieillard, voûté, pareil aux yoguis d’Inde. Drapé dans un aba, la tête entourée d’un turban, il tenait son index gauche sur ses lèvres, immobilisé dans un geste qui exprimait l’étonnement. Face à lui, une jeune fille de noir vêtu se penchait pour lui offrir une fleur de capucine ; un ruisseau les séparait. (pp.28-29)
Le narrateur précise qu’il ignore totalement l’origine de cette création tout en affirmant par ailleurs qu’il n’a jamais pu dessiner d’autres motifs :
Chose étrange, chose incroyable, je ne sais pourquoi le motif de mes compositions n’a jamais varié. (p.28)
Cette image est issue d’un rêve, le narrateur l’a déjà contemplée quelque part mais il ne sait pas où. Tout ce qu’il sait, c’est que ces écritoires partent jusqu’en Inde et que cette scène lui paraît à la fois « proche et lointaine ».
Ce motif, on le retrouve, également avec un air familier pour le narrateur, dans la deuxième partie du récit, avec une description