Thérèse desqueyroux
Une étude de Jean-Luc.
Mauriac est, au cours des années 20, fasciné par ces êtres hors norme que sont les meurtrières et plus particulièrement les empoisonneuses.
En 1925, il demande à son frère Pierre des documents sur le procès de Blanche Canaby qui, en mai 1906, avait été acquittée devant les assises de Bordeaux d’une tentative d’empoisonnement sur son mari, mais condamnée pour falsification d’ordonnance.
Cette attirance se manifestera encore en 1933 pour l’affaire Violette Nozières qui défraie alors la chronique et qu’il suit comme journaliste.
Les raisons d’une attirance pour un « monstre »
On peut déjà trouver des débuts de réponse dans la citation de Baudelaire placée en exergue au roman. Elle est tirée de « Mademoiselle Bistouri » du Spleen de Paris. "Seigneur, ayez pitié, ayez pitié des fous et des folles ! Ô Créateur ! Peut-il exister des monstres aux yeux de Celui-là qui sait pourquoi ils existent, comment ils se sont faits et comment ils auraient pu ne pas se faire". La première réponse se situe dans le mystère du mal qui heurte de plein fouet le romancier catholique.
L’adresse liminaire nous indique aussi combien Mauriac est habité par son personnage. À la manière d’un Flaubert qui s’exclamait « Madame Bovary, c’est moi », Mauriac s’adresse à sa part féminine et interpelle Thérèse : « Thérèse, beaucoup diront que tu n’existes pas. Mais je sais que tu existes, moi qui depuis des années, t’épie et souvent t’arrête au passage, te démasque ». Suivent deux épisodes parmi d’autres, mais révélateurs : le premier, une rencontre aux assises alors que François est adolescent, qui dévoile peut-être le trouble mélange de l’émoi amoureux et de la pulsion de mort ; le second, plus tard, l’apparition furtive d’une "jeune femme hagarde" dans un "salon de campagne". Enfin depuis, "à travers les barreaux vivants d’une famille", il l’a vue "tourner en rond à pas de louve"… Il conviendrait de s’attarder quelques