Tire de micromegas
Quand il se prit de voyager de planète en planète, c'était pour achever de se former l'esprit et le coeur.
Ceux qui ne voyagent qu'en voiture, vélo ou avion seront sans doute étonnés d'apprendre que cette personne, connaissant merveilleusement les lois de la gravitation, utilisait toutes les forces attractives et répulsives pour aller de globe en globe comme un oiseau voltige de branche en branche. Utilisant tantôt un rayon de soleil, tantôt la queue d'une comète, il parcourut la voie lactée et tomba par hasard sur notre petite Terre.
C'est là que je le rencontrai, alors qu'il était en admiration devant tous nos paysages. Il me dit que la nature était bien variée, je l'approuvai en ajoutant:
"La nature est comme un parterre dont les fleurs...
_Ah! Laissez là votre parterre.
_Elle est, repris-je, comme une gigantesque bibliothèque où se côtoieraient...
_Eh! Qu'ai-je à faire de vos bouquins? me fit-il.
_Elle est donc comme une galerie de peintures dont les traits...
_Mais non! dit Alphoméga; encore une fois, la nature est comme la nature. Pourquoi lui chercher des comparaisons?
_Pour abonder dans votre sens et vous plaire, lui répondis-je.
_Je ne veux pas qu'on me plaise, je veux qu'on m'instruise. Notre imagination va au-delà de nos besoins mais nous sommes trop bornés et malgré toute notre curiosité et le nombre assez grand de nos occupations, nous avons tout le temps de nous ennuyer."
Alphoméga ne resta pas bien longtemps dans ma fourmilière mais j'ai toujours en tête chacun de ses messages.
"Il nous reste toujours, disait-il, je ne sais quel désir vague, je ne sais quelle inquiétude, qui