titre 1
Le silence se prolongeait. Il devenait de plus en plus épais, comme le brouillard du matin. Epais et immobile.
L’immobilité de ma nièce, la mienne aussi sans doute, alourdissaient ce silence, le rendaient de plomb. L’officier lui-même, désorienté, restait immobile, jusqu’à ce qu’enfin je visse naître un sourire sur ses lèvres. Son sourire était grave et sans nulle trace d’ironie. Il ébaucha un geste de la main, dont la signification m’échappa. Ses yeux se posèrent sur ma nièce, toujours raide et droite, et je pus regarder moi-même à loisir le profil puissant, le nez proéminent et mince. Je voyais, entre les lèvres mi-jointes, briller une dent d’or. Il détourna enfin les yeux et regarda le feu dans la cheminée et dit : « J’éprouve un grand estime pour les personnes qui aiment leur patrie », et il leva brusquement la tête et fixa l’ange sculpté au-dessus de la fenêtre. « Je pourrais maintenant monter à ma chambre, dit-il. Mais je ne connais pas le chemin ». Ma nièce ouvrit la porte qui donne sur le petit escalier et commença de gravir les marches; sans un regard pour l’officier, comme si elle eût été seule.