Tous les matins du monde
"Le dessert de gaufrettes", nature morte de Lubin Baugin
1672, dans la campagne près de Paris. Marin Marais, un adolescent gauche de 16 ans, se présente à Monsieur de Sainte-Colombe, un maître gambiste connu pour son austérité (il est janséniste) et sa sévérité : il voudrait devenir son disciple. Sainte-Colombe, bien que vivant retiré du monde, est connu pour sa virtuosité et pour ses innovations techniques (tenue de la viole et de l'archet, addition d'une septième corde pour obtenir les notes plus basses).
Le jeune Marais raconte son histoire d'une voix sourde : « il était membre d'une chorale paroissiale mais lorsque sa voix a mué, il en a été chassé alors que son ami Michel-Richard de Lalande, qui n'a pas mué, est resté dans la formation... Il ne veut pas devenir cordonnier comme son père. Il est doué pour la viole de gambe... ». Le maître, après avoir écouté le jeune homme jouer une improvisation sur une Folia de l'époque puis une Aria de sa composition, lui annonce « qu'il joue bien de la musique mais qu'il n'est pas et ne sera jamais un musicien... ». Cependant, ému par sa douleur, il accepte de lui donner quelques leçons.
Les deux filles du maître (en particulier Madeleine, l'aînée) sont émues par l'arrivée du jeune homme dans la gentilhommière désolée par la mort subite, quelques années auparavant, de Mme de Sainte-Colombe. D'ailleurs, depuis, le maître (qui a refusé d'aller jouer de la viole devant le roi Louis XIV), passe ses journées seul dans une cabane au fond du jardin, travaillant inlassablement son art et recevant parfois la visite de sa défunte épouse : il a fait peindre par Lubin Baugin la table (portant un verre de vin, une bouteille