Tous les matins du monde
Dans Tous les matins du monde de Pascal Quignard, écrit en 1991, les figures féminines sont peu présentes, à peine esquissées, à l'image de Madame de Pont-Carré ou de Guignotte. Cependant, à l'instar de sa sœur Toinette et de l'épouse défunte Madame de Sainte Colombe, Madeleine est au cœur du roman, de par ses relations avec Marais, son tempérament posé, sa fin tragique. Aussi, en quoi Madeleine de Sainte Colombe constitue-t-elle la figure tragique du roman quignardien ? Son physique fluet et son tempérament pusillanime contribuent à faire d'elle l'héroïne tragique de l'œuvre. Justement, sa personne est tragique en ce que tous les éléments lui sont défavorables : éloignement de ses proches, déception amoureuse, perte de son enfant, et enfin sa mort pathétique.
I] La discrétion dans la passion
a) Une femme discrète et fluette
Dès les premières lignes, Pascal Quignard décrit le caractère discret de Madeleine, notamment face aux colères de son père : alors que Toinette se rebelle, « Madeleine ne se plaignait jamais. A chaque colère de son père, elle était comme un vaisseau qui chavire et qui coule inopinément : elle ne mangeait plus et se retirait dans son silence » (p. 19). Outre un caractère discret, introverti, sa silhouette fluette, sa « beauté mince », la placent dans le registre tragique. Quignard évoque des crises d' « angoisse », les surgissements de la douleur physique (p. 34 et 69). Et pourtant s'éveille en elle la passion, d'abord une passion musicale contribuant à la lier plus durablement avec son père, ensuite une passion amoureuse, avec Marin Marais, passion fatale cependant dont les prémices sont rapidement visibles suite à la rupture entre le jeune homme et son