Tous lesmatins du monde
Quand s'achève le chapitre vingt-cinq qui correspond à la 33e séquence du film Tous les matins du monde, les pieds de Madeleine se balancent dans le vide. L'incipit du chapitre suivant reprend et développe alors le titre : Tous les matins du monde sont sans retour,
(P.107), formule reprise par la voix-off de Marin Marais dans le film. Si le titre pouvait paraître résonner comme un éloge de l'optimisme par la métaphore des matins du monde, matins prometteurs ou lendemains qui chantent, la formule complète, annonçant que les plaisirs du monde sont éphémères, place, quant à elle, au centre de l'oeuvre le thème de la perte. Nous verrons que les principaux personnages de l'oeuvre sont confrontés à celle-ci mais aussi qu'elle devient alors pour certains d'entre eux, qu'ils le veuillent ou non, le principe moteur de leurs actions ou le prix à payer pour atteindre l'excellence et que toute l'oeuvre est placée sous le signe de l'échange.
Toute l'oeuvre est marquée par la présence récurrente du tableau de Baugin, Le Dessert des
Gaufrettes, qui symbolise la perte et que Sainte Colombe fait réaliser au chapitre sept, après la première apparition, dans la cabane, de sa femme morte. Quand Sainte Colombe emmène son élève dans l'atelier du peintre, celui-ci est en train de terminer une vanité, la Nature morte à l'échiquier, qui amène Sainte Colombe à formuler ce constat pessimiste sur la fuite du temps que reprendra la formule du titre : Tout ce que la mort ôtera est dans sa nuit… Ce sont tous les plaisirs du monde qui se retirent en nous disant adieu. (P.60). Tous les matins du monde est donc une oeuvre nostalgique, une oeuvre sur la perte.
Sainte Colombe est en effet d'emblée frappé par une perte, la perte de sa femme, inscrite dans l'incipit (P.9). Cette perte se traduit par un profond chagrin : Monsieur de Sainte Colombe ne se consola pas de la mort de son épouse. Quignard et