Tout le monde est-il artiste ?
Par définition, un artiste s'adonne à l'une des activités qu'on classe parmi les Beaux-arts, comme la sculpture, la musique ou la peinture. L'écrivain Stendhal parlait des « heureux élus» pour désigner les «heureux privilégiés» qui, dans l'histoire, avaient mérité ce nom d'artiste. Ils sont peu nombreux, en effet, ceux qui ont l'honneur d'être exposés dans les grands musées, comme si l'artiste était une «race» d'hommes à part, faite d'une autre fibre que celle qui compose le commun des mortels. C'est ce genre de conception que le sujet proposé nous demande d'évaluer, voire de remettre en question. N'a-t-on
Pas ici une vision bien trop élitiste de l'art, activité d'un petit nombre destinée à un petit nombre (les
Esthètes qui, seuls, comprendraient le sens de l'art) ?
Il nous faudra revenir en un premier temps sur la conception élitiste de l'art pour en comprendre les fondements. Puis nous tenterons d'évoquer une vision plus démocratique de cette activité, celle que l'on appelle parfois «art populaire», nom que revendiquent ceux qui se considèrent comme des «artistes des rues». La jeune femme qui chante dans les couloirs du métro, le jeune qui dessine des «graffs» sur les murs, le photographe «du dimanche » ne pourraient-ils pas, eux aussi, prétendre à ce titre si convoité d'artiste ? Pourquoi refuser à tous les hommes cette capacité créatrice qui caractérise pourtant l'humaine condition, puisque — dit-on — nous sommes tous sensibles à la beauté? C'est ce que notre réflexion tentera de déterminer.
« Le génie est le talent de produire ce pour quoi aucune règle déterminée ne peut être donnée», écrit Kant dans La Critique de la faculté déjuger. En associant le mot « génie» et le terme « artiste », Kant nous explique ainsi qu'être un artiste ne s'apprend pas, car il n'y a aucune « règle », aucune méthode pour le devenir. Il faut avoir un don pour cela, que peu d'entre les hommes possèdent. Le mot génie vient d'ailleurs du