Transposer une scène de théâtre
Marianne referma doucement la grille du jardin ; il faisait encore doux ce matin et le jasmin qui courait près de la grille embaumait. Claudio était parti tôt pour se rendre à son office de juge ; Marianne l’avait trouvé de méchante humeur et il était parti sans la saluer. Voilà près de deux ans que sa mère l’avait sortie du couvent pour la marier à cet homme. Bien sûr il ne ressemble pas à l’époux dont elle avait rêvé parfois… mais sa figure imposante, son autorité, sa situation de juge à la Cour Royale l’impressionnait. Au début de leur mariage, il avait été très prévenant ; puis, l’habitude s’installant, il s’était moins occupé d’elle. Elle s’ennuyait souvent.Mais les sœurs lui avaient appris les devoirs d’une femme mariée : obéissance et fidélité !
Cependant, depuis quelques temps, elle le trouvait irascible, nerveux, il lui posait toutes sortes de questions, où allait-elle ? d’où venait-elle ? que faisait-elle et qui voyait-elle ? Elle ne comprenait pas cette curiosité soudaine et inquiète ; ses seules sorties la conduisaient matin et soir à la messe (elle aimait bien le calme et la fraîcheur de la petite église Santa Maria dell Agnelli !) et parfois chez sa mère.
À moins… Marianne fronça les sourcils et ses beaux yeux devinrent encore plus sombres. Claudio serait-il au courant de ces messages importuns qu’elle avait reçus et de cette stupide sérénade sous ses fenêtres ? Pourtant elle avait renvoyé les billets sans les lire et fermer ses jalousies aux guitares. Non, Claudio ne pouvait douter d’elle ! elle secoua la tête et ses boucles brunes dansèrent autour de son visage.
Elle avançait d’un pas décidé dans la rue qui longeait leur jardin quand une vieille femme l’aborda. L’inconnue portait de nombreux bracelets à ses poignets, un châle bariolé et sale lui enveloppait la tête et le haut du corps. D’une voix enjôleuse, elle débita son boniment à Marianne : un jeune homme de bonne famille nommé Cœlio était amoureux d’elle