Travail vous libére
Le travail est certes le seul moyen que l'homme ait d'assurer sa survie : si nous travaillons, c'est donc bien par nécessité, et même par une nécessité qui est naturelle avant d'être sociale. C'est alors la liberté humaine qui se trouve, semble-t-il, compromise. Pourtant, ainsi que le montre Hegel, mon humanité n'est pas un bien donné ou un bien acquis pour toujours : elle ne m'est accordée que si autrui consent à la reconnaître. Ce que chacun recherche, c'est donc la reconnaissance par autrui de son humanité propre : mais la reconnaître à l'autre, lui donner ce qu'il exige, c'est par là même renoncer à avoir quelque pouvoir que ce soit sur lui ; le premier qui cède dans cette lutte à mort, le premier qui accorde à l'autre ce que celui-ci demande, renonce de lui-même à se voir accorder le statut d'être humain. Celui donc qui, par lâcheté ou par peur de mourir, cesse le combat pour la reconnaissance, celui-là est asservi : il devient l'esclave du vainqueur, qui gagne ainsi le droit d'user à sa guise de la vie du vaincu. Reconnaître la liberté de l'autre, c'est donc, nous dit Hegel, accepter d'être asservi, c'est-à-dire entrer au service de l'autre : l'esclave, c'est celui qui a choisi la vie plutôt que de risquer la mort, et ce au prix de la liberté. Or cet asservissement a pour nom le travail. Le maître, c'est alors celui qui jouit du fruit du travail sans travailler lui-même ; en d'autres termes, il voit ses besoins naturels, et même ses moindres désirs, être satisfaits sans pour autant se voir contraint de travailler à les satisfaire. L'esclave, quant à lui, est contraint au travail pour un autre. Lequel est alors le plus libre des deux ? On serait tenté de penser que c'est le maître qui voit le moindre de ses caprices être immédiatement satisfait sans avoir à faire quoi que ce soit pour cela. Pourtant, à l'examen, il n'en va pas ainsi. C'est que le travail, d'instrument de contrainte, devient au terme du processus dialectique la