Tristan et iseult
La lance de Tristan heurte les écailles et vole en éclats. Aussitôt le preux tire son épée, la brandit et en assène un coup terrible sur la tête du dragon, mais sans même entamer le cuir. Le monstre a senti l’atteinte : il lance ses griffes contre l’écu, les y enfonce et en fait voler les attaches. La poitrine découverte, Tristan le requiert encore de l’épée et le frappe sur les flancs d’un coup si violent que l’air en retentit. Vainement : il ne peut l’entamer. Alors, le dragon vomit par les naseaux un double jet de flammes : le haubert de Tristan noircit comme charbon, son cheval s’abat et meurt. Mais aussitôt relevé, Tristan enfonce la pointe de son épée dans la gueule du monstre : elle y pénètre toute et lui transperce le coeur. Le dragon pousse une dernière fois son cri horrible et meurt.
Quand Tristan le vit mort, il lui coupa la langue jusqu’à la racine, car il voulait la conserver comme un trophée de victoire, et il la dissimula dans sa chausse, entre la chair et l’étoffe. Puis, tout étourdi par la fumée âcre qui l’étouffait, il marcha pour y boire vers un étang dont les eaux calmes luisaient dans la vallée, près d’un bois. Quand il fut au bord de l’eau, la langue s’échauffa contre son corps. Le venin qui s’en échappait infecta son sang et paralysa ses membres. Son corps devint faible, livide et tuméfié. Dans les hautes herbes qui bordaient le