Troglodytes
PRESENTATION
Le roman épistolaire Les Lettres Persanes, publié en 1721 par Montesquieu, se présente à la fois comme un conte de « sérail », une satire de la société française de la fin du règne de Louis XIV et une méditation politique. Dans les années 1710, Usbek et Rica, deux nobles persans, se rendent en France et correspondent par lettres avec leurs amis restés en Perse. Ils leur confient ainsi leurs observations sur la vie sociale et politique de la société européenne. Ce procédé du « regard éloigné » qui consiste à décrire les mœurs notre propre société à travers le point de vue naïf d’un étranger sera fréquemment utilisé par les écrivains des Lumières : il offre un moyen habile et efficace de critiquer indirectement les travers de la société française.
Avant d’arriver à Paris, alors qu’ils se trouvent encore à Erzurum dans l’empire ottoman, nos deux Persans sont informés par l’intermédiaire de Mirza d’un débat qui partage la cour d’Ispahan en Perse. Il s’agit de savoir quelle est la condition principale du bonheur dans une société : est-ce la satisfaction des besoins ou la pratique de la vertu qui peut garantir l’harmonie et le bonheur collectifs ? Dans les lettres XI et XII, Usbek répond à cette question, non par une démonstration abstraite, mais à travers un apologue qui veut à la fois « persuader » et « toucher » son lecteur : le mythe des troglodytes.[1] La lettre XI raconte comment les Troglodytes menant une vie égoïste, seulement soucieux de leurs intérêts particuliers, conduisent leur société à la guerre et à la ruine. Dans la lettre XII, dont notre texte présente les premiers paragraphes, Usbek montre comment quelques Troglodytes qui ont survécu à la catastrophe reconstruisent une nouvelle société garantissant le bonheur de tous et de chacun.
ANALYSE
1. De la lettre au conte : Le mythe des Troglodytes
a) Usbek en conteur : le texte se