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Chapitre 19 : « Ce qui leur arriva à Surinam, et comment Candide fit connaissance avec Martin »
L’épisode du nègre de Surinam
Cet extrait, efficace dans sa brièveté, a pour but de faire constater avec intensité l'inhumanité de l'esclavage. Voltaire dénonce une pratique attentatoire à la dignité de l'être humain, et en cela il rejoint un courant de son époque; en même temps, il apporte une nouvelle preuve pour étayer son argumentation contre les doctrinaires de l'optimisme.
1. Le constat objectif de la cruauté
Dans la première partie du texte (jusqu'à « du sucre en Europe »), le narrateur a su émouvoir par le recours calculé à la plus grande simplicité d'expression.
C'est le ton dépouillé de l'horreur brute dans les quelques lignes de description du « nègre », et d'abord pour évoquer son attitude de prostration : « un nègre étendu par terre », comme condamné à végéter à même le sol. Puis son état physique est énoncé avec la neutralité d'un constat: « il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite », pas d'adjectif qui manifeste la pitié, mais la brutalité nue du fait.
La relation maître-esclave est pleinement affirmée par les moyens les plus simples. Déjà, le rapport de soumission est fortement marqué dans le « J'attends mon maître... » Ensuite, le nom du maître, Vanderdendur (encore un nom-portrait avec la dureté de l'allitération sur les d) accentue l'effet d'une autorité brutalement revendiquée et appliquée. Enfin, une simple épithète, « le fameux négociant », en énonçant la situation officielle du maître, marque la légalité de sa conduite, comme celle d'un homme de bonne réputation, un notable de la servitude, non pas un négrier clandestin.
Dans le langage prêté à l'esclave, le choix d'un style nu fait particulièrement ressortir la brutalité des faits :
« Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe. »
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