Un dissert plutot utile
Laurent est présenté dès l'abord comme un personnage tout à fait à l'opposé de Camille. C'est « un grand gaillard », « d'une beauté sanguine », « un vrai fils de paysan, d'allure un peu lourde, le dos bombé, les mouvements lents et précis, l'air tranquille et entêté ». Son portrait physique est développé au début du chapitre V. Tout son être dégage une puissance qui renvoie au mythe panthéiste de la terre et de l'animalité. Selon cette sorte de classification qui rattache les êtres aux éléments et aux espèces naturelles, Laurent est à la fois un bœuf et un taureau (dont il a le cou), à la fois bête de somme et symbole de virilité, passif et sporadiquement violent. Entre ses crises de violence ou de rut, il s'affaisse dans le contentement de ses appétits. Il est vu en masse à travers le regard émerveillé de Thérèse, comme « tout un corps d'une chair épaisse et ferme ».
Laurent a beau avoir refusé le destin successoral paternel, il n'en est pas moins « fils de paysan », paysan lui-même. C'est un immigré de la province, un « rural », avec son morphotype et ses caractéristiques conventionnelles. Zola reprend un certain nombre de clichés qu'on trouvera développés en 1887 dans La Terre, son quinzième roman desRougon-Macquart : la matérialité, l'épaisseur sanguine, l'âpreté au gain qui suscite la ruse, l'intelligence cauteleuse… Laurent annonce ainsi partiellement le personnage de Buteau, qui tue son père, le vieux Fouan. Cette pulsion de meurtre habite également le fils indigne deThérèse Raquin. Elle est réalisée par l'assassinat de Camille et en germe dans l'impatience à voir le père « laisser la place » : « Le père mourra bien un de ces jours ; j'attends ça pour vivre sans rien faire » (ch. V).
L'évocation du père Laurent, « le paysan de Jeufosse » (un lieu que connaissait bien Zola) est souvent confondue avec un réquisitoire contre les paysans. Mais il faut réinterpréter les informations dont dispose le lecteur en signalant qu'elles sont inscrites dans un