Un entretien avec marcien towa
Editions du Crac
(Cet échange a eu lieu à Yaoundé en 1998)
Où en est la philosophie africaine dans l'environnement d'aujourd'hui? Le philosophe peut-il réussir le pont de la pensée à la "praxis", autrement dit à l'action, notamment politique? Deux questions qui viennent à l'esprit lorsqu'on va à la recontre du Pr Marcien Towa, philosophe, ancien recteur d'Université et maire d'une commune de village.
Marcien Towa a marqué l'université camerounaise et la pensée africaine dans les années 70 et 80. Perçu comme un iconoclaste à cause de ses prises de position, il avait pour cible privilégiée le président poète Léopold Sédar Senghor à qui il consacra un essai au titre interrogateur: "Négritude ou servitude?". Son "Essai sur la problématique philosophique dans l'Afrique actuelle" (Editions CLE, 1971) reste un ouvrage de référence pour les élèves et les étudiants, comme pour les africanistes, en Afrique et dans le monde.
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Il y a déjà quelque temps qu'on n'a plus parlé de vous. Vous qui êtes connu comme philosophe et qui avez pendant de nombreuses années enseigné à l'université, où êtes-vous? Que faites-vous?
Je suis le maire de la commune d'Elig-Mfomo dans la Lekié. Je continue à intervenir à l'université de Yaoundé I où je dirige des mémoires et des thèses.
Vous avez été pendant longtemps le porte-flambeau de la philosophie au Cameroun. Vous avez été présent dans le débat autour de la Négritude. Vous avez même écrit un livre au sujet de Léopold Sédar Senghor, intitulé "Négritude ou Servitude?". Quel regard portez-vous aujourd'hui sur Senghor et sur la négritude?
Je pense que la négritude a évolué en reculant un peu dans les préoccupations des gens. C'était une époque où les Africains voulaient affirmer leur personnalité culturelle. C'était pour eux une préoccupation profonde qui allait de pair avec la volonté de s'affirmer sur les