Le touriste a tort de rendre amères les saveurs exotiques du simple fait de son embarrassante présence. Circulant, se transportant, chosifié même, il se voit accusé de banaliser le monde et d’atténuer le désir d’en faire le tour. Il irait selon ses détracteurs jusqu’à assassiner le sens profond du voyage à force de le questionner et de le désacraliser. Ce n’est pas tant la timide démocratisation du voyage qui rend caduque la distinction imaginaire entre touriste et voyageur que la volonté des touristes de marcher dans les pas des voyageurs ! De nos jours, les touristes comme les voyageurs se mettent à rêver un monde sans touristes, d’où l’excitation facilement perceptible parmi les pratiquants de l’aventure lorsqu’un « nouvelle » destination s’ouvre à eux : hier Cuba et le Viêtnam, aujourd’hui le Laos, l’Iran, la Birmanie, le Bhoutan… Demain, le Congo démocratique, la Corée du Nord, l’Afghanistan, le Timor-Oriental, l’Irak, le Kosovo, la Tchétchénie ? Où sont passés le temps et la place pour réapprendre à flâner au gré de l’envie, à cheminer librement avec l’autre, à musarder au fil de l’ailleurs du moment, dans ce florilège de lieux à collectionner, de séjours parfois aussi rapides qu’ils ne laissent guère le temps de tamponner tranquillement les visas aux frontières ? Visiter le monde par le biais du voyage, c’est aussi tenter de comprendre l’univers qu’on parcourt, saisir sinon vivre les réalités sociales locales, ne jamais nier le rôle de l’histoire ni surtout occulter la place du politique dans le présent et le devenir des sociétés. Le regard politique porté sur le voyage forge les convictions et ouvre les portes du réel à celui qui sait écouter avec son cœur et contempler de ses yeux l’univers qui