Un optimisme technique sans illusion
Par Marcel Kouassi N’dri www.contrepointphilsophique.ch Rubrique Philosophie
20 janvier 2011
Introduction
À mesure que nous examinons le vaste champ intellectuel de la philosophie de la technique, nous y découvrons un optimiste béat : la technique moderne et, par extension, toutes les technosciences reçoivent la bénédiction de certains penseurs dont le plus connu est sans nul doute René Descartes. Selon cette perspective, la technique moderne doit inspirer l’humanité qui devrait en faire un moyen de maîtrise, de domination, d’exploitation et de possession de la nature, et surtout d’exploitation de toutes les richesses qu’elle renferme. L’éloge que l’on fait de la technique moderne est du technicisme, de la technophilie. L’optimisme technoscientifique des philosophes se mue, dans la sphère politique, en un optimisme excessif de profession, et est appelé à raison technocratie.
À l’opposé de cette conception valorisante de la technique se profilent un scepticisme et un pessimisme dans lesquels la technique apparait comme l’ennemie de l’homme et de la nature. Dans cette perspective, certains philosophes dressent une fausse[1] opposition « entre la culture et la technique, entre l’homme et la machine »[2]. Ce pessimisme prend la forme d’une détresse chez Martin Heidegger et d’une relative technophobie chez Jacques Ellul.
Heidegger assimile, par exemple, la technique moderne au « danger suprême »[3]. L’Arraisonnement (Ge-Stell), qui est l’essence de la technique moderne, menacerait l’être et l’étant de disparition. Cette menace, selon Heidegger, « a déjà atteint l’homme dans son être. Aussi, là où domine l’Arraisonnement, y a-t-il danger au sens le plus élevé »[4]. Commentant le discours heideggérien sur la technique moderne, Michel Haan constate une détresse qui s’achève dans le cynisme : « c’est pourquoi la menace d’une installation indéfiniment prolongée dans la technique