Un peu de poésie
La poésie n'est pas conçue de façon identique par les trois auteurs de nos extraits. Près de deux siècles séparent l'art poétique de Boileau de la révolution revendiquée par Victor Hugo. Le premier considère la poésie comme un art répondant à des exigences strictes : le souci de la langue et par lui, celui du terme juste domine : « En vain vous me frappez d'un son mélodieux, / Si le terme est impropre ou le tour vicieux » (v. 3-4) Il revendique la simplicité du vers : sa justesse dépendra du respect des règles de l'art poétique, son effet sur le lecteur se verra alors démultiplié. Soin et lenteur participent également du travail poétique : « Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage, /Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ; » (v. 17-18). Enfin, la poésie devra sa beauté à la naissance de l'harmonie dans la construction : « Il faut que chaque chose y soit mise en son lieu » (v. 23). La rigueur de la construction, de la métrique et du thème : « Que jamais du sujet le discours s'écartant »(v. 27) sont les principales conditions d'un poème réussi. Le respect des règles est, pour cette raison, primordial.
Or c'est précisément ce contre quoi s'insurge Victor Hugo. Héritier de la Révolution française, le poète revendique une liberté au nom des mots qui rompt avec les normes de l'art poétique. Distinguez les mots à dire et ceux à taire lui semble contraire aux exigences d'expression, une véritable inégalité contre laquelle il veut lutter. Cette bienséance lexicale était aussi appliquée au théâtre : « Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière./ Racine regardait ces marauds de travers ; » (v. 14-15). S'insurgeant contre cette dichotomie, injuste, V.Hugo se fait le héraut de la cause des mots et bouscule les usages et les exigences de la vieille Académie : « Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire. / Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier ! » (v. 26-27). Déclarant les mots libres, et