Un roi sans divertissement
"Il crépitait comme un brasier ; il dansait comme seuls savent danser les êtres surnaturels, en multipliant son corps autour de son immobilité ;..." (Jean Giono, Un roi sans divertissement, Folio, p.39)
Il s'agit du "hêtre de la scierie" ; le voilà décrit comme un être bien singulier, animé d'une vie flamboyante : "il n'était vraiment pas un arbre" dit le texte. D'ailleurs, cet arbre est en représentation, il danse, et "les forêts, assises sur les gradins des montagnes, finissaient par le regarder en silence."
"Il dansait", et comment donc faire danser un arbre ?
"comme seuls savent danser" : il est peut-être des danses uniques, des danses inédites, invisibles, sauf pour leur inventeur, le scribe, le dramaturge, le chorégraphe.
"les êtres surnaturels" : du coup, nous ne sommes plus dans le spectacle de la contemplation plus ou moins béate de la nature mais devant une création. Et c'est bien le privilège des êtres humains, - et leur seule force, puisque nous savons depuis Pascal que "l'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant" - que d'inventer la nature de la même manière que l'humanité s'invente elle-même, en dépit des lois dites naturelles et en échappant sans cesse à l'illusion du droit naturel.
"en multipliant son corps autour de son immobilité": ici, le paradoxe est magnifique qui souligne que l'être est à la fois statique et, cependant, sans cesse en mouvement.
Il semble ainsi démultiplié par l'analyse qu'aurait pu en faire un peintre cubiste, ou objet d'effets spéciaux dans un film, danseur dont chaque mouvement se superpose au précédent.
(Il est, dit-on, une étrange maladie de la mémoire qui fait que le patient superpose les impressions visuelles, les images que son oeil retient, et souffre alors du mélange qui s'opère dans son esprit entre toutes ces images mentales accumulées.)
D'ailleurs, cette mouvante immobilité n'est pas sans danger pour l'observateur :
"Cette virtuosité