Difficile de passer à autre chose après la lecture du roman de Philippe Grimbert « Un secret ». Dans un train pour Paris et derrière la barrière auditive de mon walkman, j’ai bien du mal à contrôler mes émotions.
Je ne suis pas juive. Pourtant comme la plupart des gens j’ai des secrets de famille qui par leur mépris ont fait boiter ma vie jusqu’ici. Philippe Grimbert nous révèle une part si profonde de son intimité, de son histoire personnelle qu’il est impossible de rester de marbre.
De son enfance fragile et routinière il souffre d’un mal secret que le ronge, que sa conscience d’enfant n’arrive pas à cerner. Alors il s’invente un frère imaginaire qui prend vie en opposition à tout ce qu’il est : plein de santé, de force physique, de force de caractère… C’est alors sans le savoir mais ce frère a réellement existé et l’histoire de ses parents n’est connue de lui qu’à moitié.
Adolescent, il apprend par les mots simples mais francs de son amie et voisine que cet ami imaginaire est le fantôme d’un frère mort pendant la déportation, d’un premier mariage pour son père, d’une famille détruite… Toute cette vérité a été ensevelie dans le passé dans le désir de se cacher et de se taire… comme pour aider encore plus à oublier. Et pourtant, lui qui ne connaît cette histoire que par son récit est hanté par les souvenirs des autres.

Il écrit avec poésie toute l’importance que porte en lui-même son nom changé par la guerre : « Un ″m″ pour un ″n″, un ″ t″ pour un ″g″, deux infimes modifications. Mais ″aime″ avait recouvert ″haine″, dépossédé du ″j’ai″ j’obéissais désormais à l’impératif du ″tais″. Butant sans cesse contre le mur douloureux dont s’étaient entourés mes parents, je les aimais trop pour tenter d’en franchir les limites, pour écarter les lèvres de cette plaie. J’étais décidé à ne rien savoir. »
Dans sa vie d’adulte Philippe Grimbert devient psychanalyse, essayiste et romancier. Il arrive brillamment à sortir indemne de ce lourd silence. Il nous livre un