Valeur morale de l'argent
En tant que moyen d’échange et commune mesure, l’argent semble ainsi utile, voire nécessaire, et de plus il est impersonnel donc impartial, ce qui est un des caractères de la justice. On aurait donc raison de considérer l’argent comme un instrument purement utilitaire, moralement neutre ou même moralement avantageux, puisqu’il permet les échanges de biens et de services nécessaires à la vie, et à un certain plaisir, voire un certain bonheur. En ce sens, l’argent n’a pas d’odeur : tous les moyens de l’acquérir et de l’utiliser sont bons, dans la mesure où ils parviennent à des échanges bénéfiques.
De plus, l’argent est le symbole de la richesse, et pour produire des richesses il faut être économe et travailler, ce qui est vertueux. L’argent, c’est le travail, son produit et sa mesure. Cela est très simple, et il n’y a pas ici de question à se poser ; il y a une relation simple entre le travail et l’argent, qui donne à celui-ci une valeur indiscutable, et le met à l’honneur. Charles Péguy, qui a recueilli dans L’argent (1913) des impressions plutôt pessimistes sur celui-ci, ne manque pas pourtant de signaler sa valeur morale : « L’argent est hautement honorable, on ne saurait trop le redire. Quand il est le prix et l’argent du pain quotidien. L’argent est plus honorable que le gouvernement, car on ne peut pas vivre sans argent, et on peut très bien vivre sans exercer un gouvernement » ; l’argent est « honorable », « droit », « décent » (Pléiade, p.