Van gogh
Certains artistes se contentèrent de l'attrait de l'exotique et d'accessoires kitsch, en plaçant bien en vue dans leurs tableaux une table basse ou une estampe. D'autres vidèrent leurs représentations de tous les éléments dénotant un genre particulier pour retrouver la pureté de l'intérieur japonais qui, selon eux éliminait tout ce qui était superflu. Rares furent ceux qui parvinrent à forger un mode de vie s'inspirant du modèle nippon. Van Gogh était l'un d'eux. Durant son séjour à Anvers déjà, Vincent avait commencé à décorer sa chambre dans le style majestueux du Ukiyo-e. Ces "scènes de la vie quotidienne" avaient été déversées par milliers sur l'Occident et on pouvait les acheter bon marché dans les boutiques japonaises qui poussaient comme des champignons. Vincent passa pratiquement son premier hiver parisien dans le magasin de Samuel Bing, à quelques pas de son appartement montmartrois. Ce marchand d'objet japonais est une figure d'une importance décisive dans l'étude du japonisme. Dans sa boutique, Bing avait toujours en réserve plusieurs milliers de gravures sur bois japonaises. Vincent écrit à ce sujet à son frère Théo : "[...] cela m'a donné l'occasion de contempler longtemps, en toute tranquillité, beaucoup d'estampes japonaises. Sans ces estampes japonaises, ton appartement ne serait pas ce qu'il est".
Van Gogh avait du Japon une idée bien précise. Il se faisait de ce pays une image toute personnelle, qu'il projetait constamment dans ses réalisations artistiques. Dans l'influence de l'art japonais sur l'Europe, il voyait un tournant décisif, qui devait faire disparaître les vieilles conceptions académico-classiques. Son ardeur de missionnaire et les dons prodigieux d'imagination que nous révèle sa correspondance étaient une source inépuisable de possibilités créatrices. Dans ses lettres, le rêve est tout proche de la réalité, la plus sublime clarté côtoie l'obscurité la plus épaisse, la couleur pure s'oppose aux