Vautrin
Vautrin est d’abord un homme impressionnant par son apparence physique, qui rend immédiatement perceptible sa force et laisse deviner un passé intensément vécu.
La force du personnage est montrée dès la première expression : « Vautrin, l’homme de quarante ans », qui dénote la maturité, en contraste avec Eugène et Victorine, qui sont de jeunes gens, presque adolescents, et avec Poiret et Goriot, tous deux sur la pente de la vieillesse. Le recours à une formule populaire, « un fameux gaillard », plus expressive qu’une longue phrase, et placée juste avant la description physique, manifeste en peu de mots la vigueur, le charisme, l’audace. Dans la physionomie, on interprétera correctement ce signe apparent, les rides : « sa figure rayée par des rides prématurées… »; elles ne traduisent pas l’usure de l’âge, mais elles constituent la marque d’une vie intense, assez forte pour avoir laissé des traces; c’est une marque d’expérience. Les aspects les plus révélateurs de sa prestance sont détaillés avec simplicité, en compléments directs du verbe « Il avait », à savoir « les épaules larges… le buste…les muscles…des mains épaisses. La description repart ensuite sur « sa figure, rayée » et « sa voix de basse-taille. On remarquera surtout la caractérisation des mains, redoutables comme des outils de combat, « des mains épaisses carrées. L’impression va jusqu’à un léger écœurement, un dégoût à cause des « bouquets de poils touffus et d’un roux ardent », qui sont un peu une marque de brutalité animale. Ce que l’on apprendra plus tard sur Vautrin, de son vrai nom Jacques Collin, bagnard évadé travesti en bourgeois inoffensif : premier signe d’un possible déguisement, cet homme « à favoris peints » vise la dissimulation et non la simple coquetterie. Sa façon d’être manifeste un effort pour adoucir la rudesse naturelle du visage par des matières plus engageantes : « sa figue… offrait des signes de dureté que contredisaient ses manières souples et