VERSION4
Chaque fois qu'Henry Wilt promenait le chien ou, pour être plus précis , chaque fois que le chien l'emmenait promener ou, pour être exact, chaque fois que madame Wilt leur déclarait de débarasser le plancher car c'était l'heure pour elle de faire ses exercices de yoga, il suivait toujours le même chemin. En réalité, c'est le chien qui suivait le même chemin et Wilt qui suivait le chien. Ils passaient devant le bureau de poste, traversaient le terrain de jeux, passaient sous le pont ferroviaire et se retrouvaient sur le sentier qui longeait la berge. Ils se promenaient pendant un kilomètre le long de la rivière et puis repassaient sous le pont ferroviaire et rentraient par un quartier où les maisons étaient plus grandes que le pavillon mitoyen de Wilt et, où se trouvaient de grands arbres, des jardins, et où les voitures étaient toutes des Rover et des Mercedes. C'était à cet endroit que Clem, un labrador de pure race, se sentant de toute évidence plus chez lui dans ce quartier, fit ses affaires tandis que Wilt regardait autour plutôt avec embarras, bien conscient que ce quartier n'était pas le même voisinage que le sien, à son grand regret d'ailleurs. C'était en fait le seul moment durant leur promenade ou il se rendait compte de ce qui l'entourait. Le reste du temps, sa promenade était tout intérieure et elle suivait un itinéraire complètement opposé aux apparences. En fait, son voyage intérieur était fait de désirs variés, c'était un pélerinage le long du chemin de lointains possibles comprenant l'irrévocable disparition de madame Wilt, la soudaine accession à la richesse et au pouvoir, son programme s'il était promu ministre de l'éducation ou, mieux encore, Premier ministre.
Sa promenade consistait d'abord en une série d'expédients désespérés, puis en un dialogue muet, de sorte que si quelqu'un avait remarqué Wilt (la plupart des gens ne le remarquaient pas), il aurait vu sans doute ses lèvres bouger de temps en