Victor hugo, "les travailleurs de la mer"
Qu'est-ce donc que la pieuvre ? C'est la ventouse. (...)
Une forme grisâtre oscille dans l'eau ; c'est gros comme le bras et long d'une demi-aune environ ; c'est un chiffon ; cette forme ressemble à un parapluie fermé qui n'aurait pas de manche. Cette loque avance vers vous peu à peu. Soudain, elle s'ouvre, huit rayons s'écartent brusquement autour d'une face qui a deux yeux ; ces rayons vivent ; il y a du flamboiement dans leur ondoiement ; c'est une sorte de roue ; déployée, elle a quatre ou cinq pieds de diamètre. Épanouissement effroyable. Cela se jette sur vous.
L'hydre harponne l'homme.
Cette bête s'applique sur sa proie, la recouvre, et la noue de ses longues bandes. En dessous elle est jaunâtre, en dessus elle est terreuse ; rien ne saurait rendre cette inexplicable nuance poussière ; on dirait une bête faite de cendre qui habite l'eau. Elle est arachnéide par la forme et caméléon par la coloration. Irritée, elle devient violette. Chose épouvantable, c'est mou.
Ses nœuds garrottent ; son contact paralyse.
Elle a un aspect de scorbut et de gangrène ; c'est de la maladie arrangée en monstruosité.
Victor Hugo, "Les Travailleurs de la