Villiers de l'isle-adam : le réalisme dans la peine de mort
Les considérants, d'un ordre très élevé, au nom desquels un projet de loi sur les exécutions à huis-clos vient d'être rejeté par la Cour d'appel de Paris m'encouragent à livrer aux méditations du public (à simple titre de «documents humains») les quelques notes suivantes, crayonnées place de la Roquette, sous les fumeuses lanternes de notre instrument de supplice, au cours de la dernière exécution : celle d'un anonyme.
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A cet angle de la rue, au coin d'une guinguette en lumières, se boucle, d'un poste, la ceinture de gardes à cheval qui enserre la place. Quelle foule depuis minuit ! L'inspecteur de service prend nos cartes : - Nous entrons.
Autour de nous la place est déserte et obscure. Sous les arbres, là-bas, passent des lueurs, des ombres humaines. Je m'approche. Entre deux rangs d'uniformes noirs, sorte d'allée vivante, un intervalle de vingt mètres est laissé libre ; il s'étend depuis le portail de la prison jusqu'au dallage de l'endroit pénal. Aux alentours, une centaine de publicistes causent à voix basse. L'heure tinte : on dirait les pleurs sonores du glas.
A ma gauche je vois des sabres briller : c'est un gros de gendarmes à cheval, massé dans l'ombre.
Traversons. Mais, qu'est-ce que ceci ? Je me trouve auprès d'un objet isolé qu'éclairent, d'en haut, la lune et, d'en bas, deux falots posés à terre.
La chose est d'un brun rouge : elle éveille l'idée d'un haut prie-Dieu moyen âge. C'est placé là de plain-pied. Entre les montants de cette cathèdre je distingué, accrochée au sommet, une suspension de fonte, noircie, carrée comme un sac de soldat - et sous laquelle s'emboîte, au centre, le biais terne d'un hachoir.
C'est la «louisette».
Quoi ! plus d'échafaud ?... Non. Les sept marches sont supprimées. Signe des temps. Guillotine de progrès dont on ne se range que... comme de la courroie de transmission d'un moteur. En vérité, ce meuble pourrait servir à couper le pain chez les grands boulangers. Où donc est la simple