Violence de banlieue et politisation juvénile
On a pu dire, suite à la grande mutation qui a marqué l'infléchissement de la société industrielle et du monde ouvrier, que la scène urbaine était désorganisée et vide. Aujourd'hui, malgré une grande absence de travaux de terrain susceptibles de rendre compte de la diversité des significations de la violence juvénile, il serait difficile de continuer à soutenir une telle affirmation. La scène urbaine n'est pas vide : elle est remplie d'un mélange inextricable de révolte et de délinquance banale se prêtant aux interprétations les plus disparates. Dans les représentations courantes, l'idée de violence se distingue mal d'une délinquance sans cesse croissante, pratiquée par des jeunes très jeunes, des adolescents à peine sortis de l'enfance. Dans les banlieues, les quartiers dits « sensibles », on a de plus en plus tendance à classer dans le registre de la violence une série de conduites juvéniles, autrefois tolérées, et qui sont aujourd'hui perçues comme non maîtrisables, en fonction de la disparition d'un certain nombre de mécanismes régulateurs. Cette violence met en jeu une crise dans les rapports entre les générations, elle est davantage expressive qu’instrumentale et elle relève plus d’un processus difficile de politisation de la jeunesse populaire, défini par la sous-constitution du sens de sa protestation dans le cadre d’une société en mutation.
Relativement récent dans la société française, le thème de la violence urbaine, associé aux jeunes et au malaise des banlieues, est balisé par deux dates charnières : l'été 1981, avec les rodéos des Minguettes ; l'automne 1990 et l'émeute de Vaulx-en-Velin. Entre ces deux dates, presque une décennie de politiques de la ville, les années 80 ayant vu se multiplier les dispositifs de prise en charge des populations les plus démunies et des quartiers les plus défavorisés1. En ce qui concerne l'école, ce fut l'implantation de « zones d'éducation prioritaires », au cours du