Vivre et bien vivre
Un courant d’air vient caresser la joue découverte du garçon, il le sait, c’est lui. Il ouvre les yeux, une ombre s’anime de grands mouvements lents à l’entrée. Il tente de se précipiter, s’enfarge dans l’étreinte de la couverture, s’échoue, se redresse, cours, s’élance sur la silhouette familière qui le reçoit en chancelant quelque peu. Le contact des mains glaciales de son grand frère agit tel un choc sur la nuque de Lucas qui ne ressent plus les effets de son assoupissement. Enfin, le voilà.
Aristide s’engage dans le hall d’une démarche chambranlante, ses articulations sont probablement pétrifiées par le gel d’enfer qui règne à l’extérieur. L’atmosphère réconfortante s’est soudainement dissipée; la couverture est, désormais, un chiffon gisant sur le sol, la musique s’est estompée et le froid a pénétré la salle jusque dans les murs. Aristide ne représente pas la figure héroïque à laquelle Lucas attendait. Sa stature s’apparente à celle d’un vieil homme, son visage reflète l’épuisement et ses mouvements la souffrance. Lucas est déstabilisé par cette image percutante de son grand frère qui ne semble être que l’écho de son souvenir, il ne sait