Voltaire/rousseau
LE MONDAIN (1736) DISCOURS SUR LES SCIENCES ET LES ARTS (1750)
(Voltaire) (Rousseau)
Regrettera qui veut le bon vieux temps, Socrate avait commencé dans Athènes; le vieux
Et l'âge d'or, et le règne d'Astrée, Caton continua dans Rome de se déchaîner contre Et les beaux jours de Saturne et de Rhée, ces Grecs artificieux et subtils qui séduisaient la Et le jardin de nos premiers parents; vertu et amollissaient le courage de ses concitoyens. Moi je rends grâce à la nature sage Mais les sciences, les arts et la dialectique Qui, pour mon bien, m'a fait naître en cet âge prévalurent encore : Rome se remplit de philosophes Tant décrié par nos tristes frondeurs : et d'orateurs; on négligea la discipline militaire, on Ce temps profane est tout fait pour mes mœurs. méprisa l'agriculture, on embrassa des sectes et l'on J'aime le luxe, et même la mollesse, oublia la patrie. Aux noms sacrés de liberté, de Tous les plaisirs, les arts de toute espèce, désintéressement, d'obéissance aux lois, la propreté, le goût, les ornements : succédèrent les noms d'Epicure, de Zénon, Tout honnête homme a de tels sentiments. d'Arcésilas. "Depuis que les savants ont commencé Il est bien doux pour mon cœur très immonde à paraître parmi nous, disaient leurs propres De voir ici l'abondance à la ronde, philosophes, les gens de bien se sont éclipsés". Mère des arts et des heureux travaux, Jusqu'alors les Romains s'étaient contentés de Nous apporter, de sa source féconde, pratiquer la vertu; tout fut perdu quand ils Et besoins et des plaisirs nouveaux. commencèrent à l'étudier. L'or de la terre et les trésors de l'onde, leurs habitants et les peuples de l'air, Tout sert au luxe, aux plaisirs de ce monde. O Fabricius ! qu'eût pensé votre grande âme, si O le bon temps que ce siècle de fer ! pour votre malheur rappelé à la vie, vous eussiez vu la Le superflu, chose très nécessaire, face pompeuse de cette Rome sauvée par votre bras