VOLTAIRE, L’Ingénu, 1767, chapitre 14
Chapitre 14 (en entier)
"Progrès de l’esprit de l’Ingénu"
Introduction.
Enfermé en prison avec Gordon, un vieux prêtre savant et janséniste, l’Ingénu forme son esprit sans accepter toutes les idées de son maître. C’est sur le mode de la résistance, mais aussi sur celui de la raison, qu’il affirme sa différence.
Après avoir défini la raison et la religion de l'Ingénu dans leur force naturelle, Voltaire complète le portrait (et le progrès) de son héros en en faisant le porte-parole d'une philosophie du droit naturel garantissant la liberté de l’individu. C’est encore à la nature, celle des sentiments, que le discours de l’Ingénu fait référence lorsqu’il fait l’apologie de l’amour.
Question : Quel portrait moral de l’Ingénu dessine ce chapitre ? De quelles valeurs philosophiques est-il porteur ?
I. L’exigence de vérité
1. L’entrée en matière : la description par le narrateur des progrès de l’Ingénu.
À travers le personnage de l’Ingénu, les idées de « progrès » et de « raison » chères à la philosophie des Lumières sont mises en valeur :
• par les expressions « progrès rapides », « développement rapide » ;
• par des explications qui font intervenir une causalité et qui donnent au texte un caractère didactique : « La cause du développement [...], était due, car ». Un paradoxe et une opposition se dessinent. D'une part. l'Ingénu au nom duquel sont attachées les notions de simplicité, d'innocence, voire d'ignorance est désormais associé au progrès du savoir : le glissement des sciences à la science de l'homme est emblématique de l'humanisme du XVIIIe siècle. D'autre part. l' « éducation sauvage » de l'Ingénu est distinguée de l'éducation occidentale traditionnelle évoquée par le « nous » du narrateur : « les idées qu'on nous donne dans l'enfance ». Une série d'antithèses apparaissent: la raison pure de l'Ingénu dans son ignorance et sa justesse naturelles (« n'ayant rien appris », « n'ayant point été courbé par l'erreur », «