Voltaire
Citée directement à plusieurs reprises (« infligèrent la torture », « la grande et la petite torture », « la question »), la torture est surtout évoquée dans ce passage à travers ses manifestations physiques ; volontairement, Voltaire n'épargne aucun détail atroce au lecteur : « hâve », « pâle », « défait », « coupât », « brûlât », « arrachât »). L'inhumanité de cette pratique ne peut alors que sauter aux yeux.
Outre le fait qu'elle soit inhumaine, la torture, dit Voltaire à ses contemporains, annule à elle seule toute la fierté que les Français pourraient tirer de leur pays. En effet, si les pays étrangers admirent la France, c'est pour sa littérature, son sens de la mode, sa gastronomie, ses spectacles… Autant de raisons que Voltaire ne conteste pas, mais qu'il juge superficielles. Que sont ces futilités comparées au droit, à l'humanité, au respect de l'individu, à la tolérance ? En critiquant ainsi les Français, il espère les choquer, les faire réagir, leur faire comprendre que la grandeur d'un pays ne tient pas à ses divertissements, mais à la qualité de sa législation.
II. L'art de convaincre
Ce qui rend l'argumentation de Voltaire si efficace et percutante, c'est l'habileté des procédés qu'il emploie pour convaincre.
Jouant sur la fibre émotionnelle et patriotique de ses contemporains, il n'hésite pas non plus à manier une ironie féroce qui établit une complicité avec son lecteur. Ainsi, le fait de présenter la torture comme un plaisir pris par les magistrats incite naturellement le lecteur à ne pas se ranger à leurs côtés. Voltaire force le trait, accentue la cruauté de ceux qui minimisent la torture.
De même, avec l'exemple du chevalier de La Barre, il montre que la finalité de la torture est en elle-même absurde et dérisoire : la violence infligée apparaît comme totalement disproportionnée par rapport au résultat obtenu (« savoir précisément combien de chansons il avait chantées et combien de processions il avait vu