Voyage
1"8
SOlflr
La chaleur
pES SCORTA
du soleil semblait fendre la terre. pas un souffle de vent ne faisait
frémir les oliviers. Tout était immobile. Le parfum des coltines s,était évanoui. La pierre gémissait de chaleur. Le mois daoût pesait sur le massif du
Gargano* avec l'assurance d'un seigneur. lr était impossible de croire qu,en ces terres, un jour, il avait pu pleuvoir. eue de l'eau ait irrigué les champs
et
abreuvé les oliviers. lmpossible de croire qu'une vie animale ou végétale ait pu trouver
-
sous ce ciel sec
-
de guoi se nourrir. ll était deux heures de
l'après-midi, et la terre était condamnrÉe à brûler.
sur un chemin de poussièrg un âne avançait lentement. ll suivait chaque courbe de la route, avec résignation. Rien ne venait à bout de son obstination.
Ni l'air brûlant qu'il respirait. Ni les rocailles pointues sur lesquelles ses sabots s'abfmaient. ll
avançit
à un châtiment antique.
Et son cavalier semblait une ombre condamnée
fhomme ne bougeait pas. HébrÉté de chaleur.
Laissant à sa monture le soin de les porter tous deux au bout de cette route.
La
bête s'acquittait de sa tâche avec une volonté sourde qui défiait le jour.
Lentement mètre après mètre, sans avoir la force de presser jamais le pas, l'âne engloutissait les kilomètres. Et le cavalier murmurait entre ses dents des mots qui s,évaporaient dans la chaleur. "Rien ne viendra à bout de moi... Le soleil peut bien tuer tous les lézards des collines, ie tiendrai. ll y a trop longtemps que j'attends... suis en route et
La
terre peut siffler et mes cheveux s,enflammer, je
j'iraijusqu'au bout.,,
Les heures passèrent ainsi, dans une fournaise qui abolissait les couleurs.
Enfin, au détour d'un virage, ra mer fut en vue. "Nous voilà au bout du
monde, pensa l'homme. Je rêve depuis quinze ans à cet instant.,,
La mer
était là. comme une flaque immobile qui ne servait qu,à réfléchir la
puissance